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Les maux de Ricardo 4 (peut-être).

par chroniquesterriennes.over-blog.com 26 Mai 2020, 13:54

Les maux de Ricardo 4 (peut-être).

Je n’ai pas peur, je picole des litres, des litres d’eau minérale.

Je m’hydrate, c’est important, vital… Quand je commence à faire des théories sur l’eau minérale, ce n’est pas bon signe.

C’est que je n’ai plus d’inspiration.

Mon clavier me réclame, mais mes doigts restent figés, mon cerveau est en stand by.

C’est la mort du petit cheval blanc.

Dans mon jardin, je me cache parmi les touffes d’herbe.

Des touffes d’au moins un mètre de haut.

La tondeuse a rendu l’âme, le prêtre du coin est venu hier et nous l’avons enterrée dans le jardin.

Pas le prêtre, la tondeuse.

Ma chaîne stéréo y était déjà, mais elle n’avait pas été baptisée, c’est Madame O qui a écrit un splendide discours à nous arracher les larmes des yeux.

En même temps, à part les yeux, les larmes je ne vois pas trop d’où elles peuvent émerger (mais c'était beau à écrire et comme je manque d'inspiration, je prends tout ce qui se présente). 

Des orteils, peut-être.

Je ne transpire pas des pieds, je pleure des orteils, c’est plus poétique.

Mon espace vert est un cimetière où tous mes vieux objets reposent en paix.

Aujourd’hui (vendredi) Mon voisin bricoleur est déjà pied au plancher, Bob le bricoleur.

Il fait un bruit d’enfer avec une ponceuse (je ponce donc je suis), j’ai envie de le tuer.

Mon activité préférée ? Les tâches ménagères.

Astiquer, aller au lavoir, taper sur du linge sale, passer le balai et, cerise sur le gâteau, chasser la poussière.

Parfois, Madame O et moi nous chamaillons, c’est qu’elle aime aussi jouer avec les balais, en chantant des airs plaintifs et lusitaniens (elle a appris cette langue en écoutant l’intégrale des CD de Linda de Souza), le tout en passant la serpillère sous mon regard jaloux. Bien obligé de la regarder faire, elle m'a drogué pour me piquer le matériel et ligoté pour m'obliger à regarder.

Aujourd’hui, je transpire en levant le coude, il fait lourd, ma transformation en limace me préoccupe.

Je rampe, bave, me contorsionne, une larve, vous dis-je.

J’installe dans un élan de courage démesuré, une chaise dans la cuisine, ouvre les placards et comptabilise la vaisselle.

Ensuite, tête renversée, je ronfle en rêvant de masques de chirurgien qui font une ribambelle dans la maison, de postillons émanant d’hommes politiques marchant sur l’eau.

Je songe à Dieu descendant des cieux, guérissant de pauvres ouvriers sans usine, de caissières sans caisse, d’employés de bureau sans ordinateur, d’éboueurs sans poubelle, de danseuses sans tutu, un univers sans rien, de footballeurs sans ballon, de racailles sans poudre, de banquier sans lingot d’or, de facteurs sans courrier (c’est presque le cas dans la vraie vie), de rien sans rien, le vide absolu, le néant.

Dieu se présente devant ma pauvre personne en sueur, c’est mon père et il aimerait bien que les roumains (oui, les roumains, c’est mon récit après tout) viennent me traîner dehors, qu’on me jette des pierres et que je finisse accrocher à une croix.

Je me réveille brusquement, tombe de ma chaise, me ramasse les quatre fers en l’air.

C’est brutal, j’allume pour la première fois depuis des mois la télé et me coltine une bonne gorgée de BFM.

La haine m’investit et me sort de ma léthargie, j’insulte tous ces présenteurs à l'haleine de chacal.

Je revis.

Je sors me balader avec Madame O, entre-temps, j’ai gavé mon voisin bruyant qui digère sa ponceuse, nous profitons du chant des oiseaux emmitouflés dans de soyeux torchons. Unis, réconciliés, heureux. 

Ricardo Santiago le 23 Mai 2020

L’image contient peut-être : boisson

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